
La Parole à Magali Duramé, fondatrice de Foodologic
« La meilleure chose à faire est de rester concentré sur sa mission. Affirmer une raison d’être qui met le sens au premier plan permet de définir une stratégie qui l’incarne dans tout ce que dit et fait l’entreprise pour les clients et l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur. »
L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a estimé que 14 % de la récolte des agriculteurs partent à la poubelle ! Créée en août 2019, Foodologic est une plateforme web qui permet justement de faire la chasse au gaspillage alimentaire en créant un marché secondaire dans la filière fruits et légumes.
Entreprise à mission, la jeune start-up propose de recréer de la valeur sur des produits qui seraient perdus en facilitant la mise en relation entre producteurs et restaurateurs. Un engagement qui répond à une double mission : la protection de l'environnement et la rémunération des agriculteurs. A ce jour, l’entreprise compte une cinquantaine de partenaires en France.
Passionnée et passionnante, nous avons posé quelques questions à Magali Duramé, la fondatrice de cette start-up bretonne. Un échange riche où elle nous partage son vécu, celui de son équipe et quelles ont été ses réponses pour surmonter cette période et rebondir en vue de construire demain.
Comment avez-vous, toi et ton équipe, vécu le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 ? Et, quelles solutions ont pu être mises en œuvre pour faciliter les interactions et poursuivre l'activité dans les meilleures conditions possibles ?
M.Duramé : "Celles et ceux qui ont déjà managé la « transformation » ont pu faire l’analogie de cette crise avec la fameuse « courbe du changement ». Chaque personne, chaque professionnel, a une réaction unique face à un choc et nous en avons vécu plusieurs. En même temps que passaient les phases de déni ou de peur, il a fallu instaurer un nouveau cadre et de nouvelles façons d’être autonomes à distance. Comme beaucoup d’autres, nous avons eu recours à la visio-conférence, au chat, aux applications en lignes comme Trello pour recréer notre quotidien à distance. Finalement, vouloir « calquer » les formes de travail du présentiel en télétravail semblait une bonne façon d’assurer la continuité mais a amené une « surcharge de connectivité ».
Néanmoins, il y’a eu un moment de trop plein d’alertes mails, chats, visios, appels et notifications en tout genre qui a coïncidé avec l’arrivée du 2ème choc… « Devoir apprendre à vivre avec » signifiait aussi que ce qui était provisoire allait durer mais n’était durablement pas tenable. Il fallait que chacun puisse retrouver une forme de liberté dans ces moments extrêmement contraints.
A ce moment-là, j’ai souhaité expérimenter une « journée carte blanche » : une journée déconnectée sans notification ni organisation ni contrainte. Une seule mission : se faire plaisir avec une activité de son choix en rapport avec nos valeurs et réalisée de A à Z sur cette journée. Ce qui devait être une journée sans objectif s’est révélée un incroyable moment de créativité et de productivité qui a aussi regonflé l’équipe ! Lorsque nous avons partagé le lendemain le résultat, chacun a été bluffé du travail réalisé par les autres.
Nous allons très prochainement publier sur nos réseaux sociaux tout ce travail. En tant que manager, j’ai à la fois été émue et ressenti beaucoup de fierté sur ce qu’ils ont accompli et partagé."
Vis-à-vis de vos parties-prenantes et clients, quelles décisions ont été prises pour poursuivre au mieux votre activité ?
M. Duramé : « Paradoxalement, pour une jeune start-up, nous n’avons pas cherché à être agile en recherchant à être absolument présente, à inventer des solutions à des problèmes qui n’existaient pas, en ne nous dispersant pas. C’est justement en gardant le cap sur notre raison d’être, que nous avons pu être à l’écoute de nos clients et adapter notre solution à leurs réels problèmes du moment. Ce sont nos partenaires qui nous ont sollicité pour que nous leur soyons vraiment utiles !
Derrière l’entrepreneure, la.le client.e, la.le partenaire, il y a aussi l’être humain qu’il ne faut pas oublier. Personnellement, au début, je me suis sentie envahie par toutes les sollicitations parfois inutiles, quelques fois opportunistes, et n’ai pas eu envie de reproduire cet effet.
Par ailleurs, j’étais pleinement consciente que l’ensemble de la chaîne alimentaire avait besoin de temps pour s’adapter et identifier ses nouveaux besoins. J’ai donc choisi de laisser le temps à mes partenaires de répondre à leurs propres urgences personnelles et professionnelles. Quelque part, nous avions déjà instauré une confiance en notre sincérité, en notre mission et nos valeurs.
Ainsi, nous avons opéré deux changements majeurs dans notre business model :
- Elargir notre offre au-delà des fruits et légumes en proposant d’autres produits pour aider les producteurs à écouler leurs stocks (produits laitiers et boissons naturelles comme par exemple les citronnades de Mimouna initialement prévues pour des événements qui sont annulés)
- Diversifier nos canaux de distribution en permettant de mettre en relation producteurs et grandes surfaces. La fermeture des restaurants, cantines et marchés bouleverse les canaux de distribution. De nombreux producteurs se sont retrouvés sans débouchés.
Par ailleurs, nous avons décidé de proposer six mois d’abonnement gratuit à notre plateforme et de supprimer les commissions. C’est un choix assumé pour une jeune entreprise comme la notre mais qui nous semblait nécessaire compte tenu du contexte pour apporter notre soutien et éviter le gaspillage alimentaire ! »
Quel(s) conseil(s) souhaites-tu donner aux entrepreneurs afin de maintenir le cap dans les prochains mois ?
M. Duramé : « Restez concentré sur votre mission et la raison d’être de votre entreprise ! Selon moi, cela permet de s’adapter avec plus de facilité. C’est bien sûr plus évident lorsqu’on est une entreprise « à impact » car cela fait partie de ses statuts, de son objet social. Intégrer ses parties prenantes dans les décisions de son activité économique est au cœur du modèle et un réflexe. C’est ce qui nous permet de tenir avec enthousiasme, d’être économiquement performant et socialement utile. »